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Qu’il s’agisse d’une base de données clients, de contenus publiés sur votre plateforme, ou des bases de données constituées pour l’entraînement d’un modèle d’intelligence artificielle, les bases de données sont des actifs stratégiques pour de nombreuses entreprises.
De même, la constitution d’une base de données peut représenter un investissement conséquent pour votre entreprise (collecte, structuration, mise à jour des données, etc.).
À ce titre, il est essentiel de sécuriser l’exploitation de ces bases de données ou d’en empêcher la libre réutilisation par des tiers, notamment dans le but de les valoriser. Il s’agit ainsi de protéger juridiquement les bases de données de votre entreprise.
Deux régimes de protection peuvent s’appliquer aux bases de données : le droit d’auteur et le droit sui generis du producteur de base de données. Ces deux régimes sont prévus par le Code de la propriété intellectuelle et peuvent se cumuler, sous certaines conditions.
Retour sur les modalités de protection juridique de vos bases de données, et sur les mesures que vous pouvez mettre en place.
La personne ou l’entreprise qui prend l’initiative et le risque des investissements permettant de constituer une base de données (le producteur de bases de données) peut bénéficier d’une protection spécifique, distincte du droit d’auteur et des autres droits ou titres de propriété intellectuelle (marques, dessins et modèles, brevets, etc.).
Cette protection spécifique (dite droit sui generis) porte sur le contenu de la base de données, à condition que la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci «atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel».
En pratique, il faudra donc démontrer avoir réalisé un investissement substantiel pour bénéficier de cette protection.
Par exemple, peuvent être mis en avant des investissements de communication visant à collecter des données, les dépenses relatives au stockage ou à la vérification des données, ou encore les dépenses de personnel (équipe en charge de la constitution de la base). Ce sont notamment ces indices qui ont permis aux juges de considérer que la base de données d’annonces en ligne de la société exploitant le site Le bon coin pouvait être protégée au titre du droit du producteur de bases de données.
Concrètement, le producteur d’une base de données protégée dispose du droit d’interdire :
Il est donc possible d’empêcher les tiers d’exploiter, de copier ou de diffuser votre base de données sans autorisation (scraping, réutilisation, etc.).
Des exceptions sont prévues lorsque la base de données est mise à disposition du public par le producteur, permettant la réutilisation ou l’extraction de parties de la base de données (notamment à des fins privées, pédagogiques, ou de recherche).
Cette protection spécifique a une durée de quinze ans après le 1er janvier de l’année qui suit l’achèvement de la base de données.
Cela étant, si de nouveaux investissements substantiels sont réalisés, la protection expire cette fois quinze ans après le 1er janvier de l’année qui suit ces nouveaux investissements, permettant d’étendre la durée de la protection.
Le droit d’auteur protège les œuvres originales, y compris lorsqu’elles ont une vocation utilitaire.
A ce titre, la structure d’une base de données peut être protégée par le droit d’auteur, à condition qu’elle soit originale, qu’elle reflète la personnalité de son auteur : il ne doit pas s’agir d’une simple compilation de données. Seule la forme, la structure de la base de données peut être protégée par le droit d’auteur, et non son contenu en tant que tel.
Si le contenu de la base ne peut être protégé en lui-même, les données, prises séparément, peuvent être protégées par le droit d’auteur, si elles sont originales (par exemple, photographies, textes, ou dessins originaux).
En pratique, l’originalité de la structure de la base de données pourra se manifester dans les choix effectués dans sa constitution ou dans la disposition des données (sélection des données, hiérarchisation et agencement des contenus, etc.).
Par exemple, une base de données structurée selon un modèle standard, sans règles d’organisation particulières et à partir de données collectées automatiquement, sans choix particuliers ne pourra bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur.
La protection au titre du droit d’auteur permet également à son titulaire d’interdire la reproduction, la mise à disposition du public, la transformation, et, plus généralement, l’exploitation de la base de données par les tiers.
Le titulaire du droit d’auteur bénéficiera ainsi des droits patrimoniaux sur la base de données, lesquels s’éteindront 70 ans après son décès. Si la base est une œuvre collective (créée par une personne morale comme une société), ce délai court à compter de sa publication.
Enfin, la protection au titre du droit d’auteur peut être cumulée avec la protection au titre du droit du producteur de bases de données.
Qu’il s’agisse du droit du producteur de bases de données ou du droit d’auteur, aucune formalité ou dépôt préalable n’est nécessaire pour bénéficier de ces protections. Les droits qui en découlent sont acquis du seul fait de la création de la base, lorsque les conditions de protection sont remplies.
Cela étant, il est recommandé de procéder à des dépôts permettant de dater la base de données afin d’identifier la base en cas de cession de droits et de se prémunir en cas de contentieux.
Par exemple, vous pouvez avoir recours au service e-Soleau de l’INPI ou aux solutions de L’Agence pour la protection des programmes en la matière.
Il est également crucial de vous assurer que votre entreprise est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la base de données, en particulier lorsque des prestataires ont contribué à sa constitution. Il pourra ainsi être nécessaire de conclure des contrats de cession afin de garantir le transfert des droits vers votre société, lesquels devront respecter un formalisme strict.
Par ailleurs, il est important de conserver les éléments qui vous permettront de prouver le caractère substantiel des investissements mis en œuvre dans le cadre de la constitution de votre base.
En effet, la protection de votre base au titre du droit du producteur pourra dépendre de cette preuve (ainsi que sa valeur, notamment en cas de cession). Vous pouvez ainsi conserver les factures et autres éléments permettant d’attester des efforts déployés pour constituer la base.
Afin de valoriser et d’exploiter votre base de données, vous pouvez conclure des contrats de cession ou de licence quant aux droits de propriété intellectuelle dont vous disposez sur celle-ci (droit d’auteur ou droit du producteur de bases de données).
Ces contrats pourront à la fois être conclus avec une holding ou avec les autres entreprises de votre groupe, ou encore avec les tiers.
Vous pourrez ainsi fixer les conditions dans lesquelles vous cédez vos droits (notamment dans le cadre de la cession de vos activités) ou autorisez l’exploitation ou l’accès à votre base de données (par exemple pour l’entraînement d’un modèle d’intelligence artificielle).
Legal Spot Avocats vous accompagne dans la protection et dans l’élaboration de votre stratégie d’exploitation de votre base de données. Contactez-nous.